dimanche 12 février 2012


11 décembre 2011

Ceci est le huitième billet relatant mon expérience de showrunner d'une série télévisée française.

 " voilà , c'est fini "

Voilà. C’est fini. Le tournage de la saison 1 d’Antigone 34 est terminé. Nous sommes maintenant dans la salle de montage et ce qui en sort promet une très grande série.

Voilà. Six épisodes. Pour moi : deux ans de travail. Deux ans non stop, pratiquement jour et nuit, sans s’arrêter, sans vacances, souvent sans week-end, souvent sans dormir, toujours sans douter.

Durant ces deux années, j’ai beaucoup porté cette série. Cette série m’a aussi beaucoup portée. Je suis un type hautement émotionnel, je vis tout trop vite, je prends tout trop fort. Je me tempère en permanence. J'ai l'air cool? C’est un combat épuisant.

Mais je crois à l’émotion, je crois aux histoires qu’on raconte et à la façon de les raconter. Je crois qu’elles arrivent jusqu’aux gens. Qu’ils les entendent pour peu qu’elles leur parlent avec justesse, avec justice, avec cette indispensable tendresse envers le genre humain sans laquelle tout n’est qu’injustice. Et que ça rend le monde meilleur. C’est mon carburant, mon credo, ma rédemption et mon fardeau. Je ne sais pas jusqu’où je crois en moi, mais je crois dur comme fer à « moi aussi ».

Je crois que tout ce qui nous ressemble nous rassemble. Et que ça exige le meilleur de moi-même, le meilleur de ce que je peux donner. Ça me rend excessif, ça me rend obsessionnel, ça me rend perfectionniste, ça me rend enthousiaste, ça me rend autoritaire, pointilleux, chiant, têtu, à l’écoute, joyeux, malheureux, pugnace, négociateur, charmeur, belliqueux. Mais je reste sur le rêve et les promesses de départ et je ne lâche rien jamais. Parce que c’est pour les gens. C’est pour nous.

Faire le showrunning d’une série, de par les multiples étapes et interlocuteurs que ça demande, du premier mot sur la page au dernier nom du générique, est un travail qui exige un investissement total, sans restrictions, sans s’économiser, c’est un job 24h sur 24, 7 jours sur 7, polyvalent, absorbant. Un job de création, un job de conviction, un job de rassemblement, un job de combat. C’est un job qui pousse au maximum tous les sens, les curseurs, les aiguilles des cadrans. C’est un job qui demande trop; ça tombe bien, un job qui demande trop, c’est un job qui me convient bien. Parce qu’il me ressemble. Voilà, c’est pour ça que j’aime mon Job autant que je le déteste. Je lui pardonne tout. Je ne me pardonne rien. Vous faites ce que vous voulez !

Voilà. Pendant deux ans, cette série a été une grande aventure. Non seulement professionnelle, mais aussi une grande expérience humaine. Et je l’ai vécue à fond. Trop sans doute. Comme toujours. Comme il se doit. Comme si je savais faire autrement…

Voilà. Presque tout le monde est parti sur d’autres films, d’autres séries, d’autres projets, un peu partout dans le monde. Je reste avec le dernier carré dans les salles de montage et de mixage. Une forme de réécriture. Une façon de revivre les choses encore. De les retenir. Au fond, je crois que c’est pour ça que j’ai choisi de faire des films. Pour ne pas perdre les gens. Pour ne pas perdre les moments. Pour ne pas perdre les mots. Pour ne pas perdre les histoires. Pour les retenir encore un peu.

Ça tombe bien. On peut voir une série plusieurs fois !