dimanche 12 février 2012


4 décembre 2010

Ceci est le troisième billet relatant mon expérience de showrunner d'une série télévisée française:


Le problème d’avoir deux casquettes, c’est que l’on réalise assez vite que l’on n’a qu’une seule tête pour les porter… Il faut donc les revêtir à tour de rôle à défaut de pouvoir les empiler, ce qui outre d’avoir pour effet d’être peu seyant, peut se révéler pour le moins inconfortable.

Un showrunner porte donc deux casquettes, celle d’auteur et celle encore plus multitâche de « directeur artistique » comme on dit en France (« executive producer » comme on dit aux USA) validant les propositions de casting qui remontent vers la chaîne, les repérages, lieux et décors, les techniciens, les musiques, le volet transmédia, les projets de site internet, les options de marketing, les dossiers de financement etc… Deux casquettes, allez, même empilées, par ces temps de froid…ça garde le cerveau au chaud.

Ces choses étant posées, elles amènent à une autre question, bien plus cruciale, et que j’entends une bonne vingtaine de fois par jour en ce moment…

Qu’elle vienne des conseillers de programmes de la chaîne, des producteurs, du directeur de production, de la directrice de casting, des réalisateurs, du chef déco, du « repéreur », du premier assistant, du régisseur, des acteurs et actrices, de la costumière, du chef opérateur, des agents, etc… cette question est sur toutes les lèvres que je rencontre. Et au moment où j’écris ces lignes, je sais que dès que je vais croiser un stagiaire ou une assistante de prod devant la photocopieuse ou la machine à café, sa première question ne sera ni « comment vas-tu ? » ni « avec un sucre ou pas ? » mais…

… t’as l’épisode trois ?

Si l’on voit le bon coté des choses, cette question est la manifestation intempestive mais certaine d’une forme de désir. En l’occurrence celui de savoir. Savoir la suite. Susciter le désir chez les autres n’est pas une maigre récompense, surtout quand on s’est donné autant de mal pour y parvenir. J’en savoure l’expression autant que j’en ressent le poids, car derrière ce désir – que d’autres, moins optimistes appelleront une simple curiosité – se cache un autre désir, plus prosaïque et disons-le, intéressé: celui de pouvoir continuer à faire son job. Chiffrer, planifier, crossboarder (regrouper les scènes pour le tournage), « caster », repérer les lieux de tournages et dessiner les décors, négocier les autorisations, trouver les financements, les aides, les bons costumes, les bonnes lumières, les bons figurants, répéter, tourner, etc… De ces quelques pages en devenir dépend toute une économie, toute une chaîne de talents et de compétences qui attend avec impatience l’arrivée du précieux scénario relié et barré de ma désormais fameuse mention « confidentiel, ne pas divulguer », pour pouvoir s’exprimer.

Au commencement était le verbe.

Encore une fois.

Quand vous avez la chance de fédérer autour de votre projet  autant de talents et de personnalités exceptionnelles, vous n’avez pas envie de les décevoir. Vous n’avez pas envie d’être en dessous de leurs capacités, de leur invention, de leur jeu, de leur investissement. Bref, vous n’avez pas envie d’être en dessous de – au propre comme au figuré - leurs attentes.

Je vais donc passer encore quelques jours (et quelques nuits) à peaufiner le premier « draft » de cet épisode trois. Pour qu’il les mérite. Pour qu’il soit à la hauteur. Et, bon ! Je ne sais pas ce que vous en penserez mais je me dis que,  sur ce coup-là, en fait… Hmmmmmmm ! Je viens de ne pas trop mal m’en tirer !