dimanche 12 février 2012


13 Novembre 2010

Ceci est le deuxième billet relatant mon expérience de showrunner d'une série télévisée française:

To show or not  to show.

Il y a quelques jours, alors que j’arrêtais ma voiture pour mettre en garde deux ados inconnus qui faisaient du skate en pleine rue dans un virage, ma fille Emmylou s’est tournée vers moi d’un air hilare : « ça c’est toi ! Tu es le papa de tout le monde ! ». Venant d’une jeune fille de 15 ans aussi futée, il m’a fallu dégainer un sacré sourire badass pour cacher les larmes qui me montaient aux yeux ! Voilà, je suis comme ça. Je suis émotionnel. Je suis un gars qui prend ses responsabilités, qui agit, qui baisse sa vitre sur un ton avec lequel on ne discute pas et qui se mord les joues 5 minutes après pour un regard de tendresse. Faut faire avec. Je fais.

Par chance pour moi, un showrunner n’est pas « le papa de tout le monde » et ma fille ne me dit pas des mots d’amour tous les jours (essayez de confisquer son Mac à une furie de 15 ans accro à Facebook !).

Par chance pour moi, un showrunner ne porte ni le monde, ni le show seul sur ses épaules. Il y a une équipe autour. C’est particulièrement sensible (aux deux sens du terme) dans la période de production où nous sommes actuellement qui induit toutes les décisions majeures du show, celles sur lesquelles on ne pourra pas (ou peu) revenir, et qui vont en devenir les codes, les piliers. Style de réalisation, casting, décors récurrents, esthétique visuelle et musicale; toutes ces choses qui vont prendre forme et vie dans le « pilote » et qui vont se perpétuer, dans notre vision ou au moins nos espoirs, sur plusieurs saisons…

Evidemment ces décisions hautement émotionnelles se prennent dans l’urgence, le stress et l’effervescence la plus totale (nous travaillons tous plus de 80 heures par semaine).

Et dans l’enthousiasme. Et dans le conflit.

Dans la production d’une série, comme dans l’architecture d’un scenario de cinéma,  l’essence de l’acte 2 est le conflit. Le conflit intérieur (il FAUT faire des choix !) et le conflit externe (il FAUT faire les mêmes choix !).  Les enjeux sont élevés. C’est ce qu’il faut pour faire un bon scénario (Highten the stakes !). C’est ce qu’il faut pour faire une bonne série. Un bon show.

Le moment est venu. Le moment des choix décisifs. Des choix en commun. Une période exaltante, exigeante, frustrante.

Mais j’ai la meilleure équipe possible autour de moi, et des producteurs courageux et obstinés. Quelque soit la décision finale (en France ce sont les diffuseurs qui détiennent la validation finale sur les castings acteurs/actrices/réalisateurs), elle sera bonne, car nous avons bien préparé le terrain.  Nous avons une vision pour cette série.

Voilà. Je suis quelqu’un qui prend des décisions. Je suis quelqu’un d’émotionnel. Je voudrais avoir tout le monde. Il me manquera toujours quelqu’un.

C’est pour ça que je m’arrête dans les virages pour interpeller des jeunes gens imprudents. C’est pour ça que j’aime cette période autant que je la déteste.